Arrivée de la famille Duchesne

Le brouillard était présent, tout autour, ne laissant rien voir. Un clapotis régulier se faisait entendre au rythme des rames plongeant dans les eaux calmes du lac.
Une barque avançait à l'aveugle. S'y tenait assis un couple, un homme et une femme. Celle-çi tenait dans ses bras un bébé, son fils, leur fils.

Et comme à chaque fois, dans ce silence opaque, le brouillard fit place au soleil et au ciel bleu et là-bas, un peu plus loin les rives de l'ile d'Avalon apparurent.
L'homme pointa vers la plage.
Encore quelques coups de rames et l'embarcation vint s'échouer sur le sable.

Il sauta dans l'eau et prenant la corde tira un peu plus la barque sur le sable.
Puis il s'approcha de la femme, son épouse, et l'aida à descendre.
Il lui donna un tendre baiser et en déposa un sur le front de l'enfant qui gazouilla.

Ils regardèrent un instant les environs, le lac où curieusement le brouillard avait disparu puis l'île, lieu de ressourcement.

Passant un bras autour de la taille de Gypsie, Jazon l'entraina sur le petit chemin qui emmenait au village.

Savait-elle Yvonne, le nombre de fois que Jazon et Gypsie parlaient d'Avalon. Combien de fois ils parlaient de revenir sur cette île paisible, et depuis peu, d'y emmener leur enfant. Naissance tellement inespérée pour Gypsie, qui souvent disait que c'était l'oeuvre de la déesse d'avoir ainsi béni leur union.

Dame Duchesne n'oubliait pas le soir où elle les unit. Cette cérémonie si envoutante, les chants, les danses, les lumières, et la nuit passée près de son époux. Ni les paroles d'Yvonne.

Aujourd'hui ils venaient lui présenter leur enfant, Gandelin. Et lui demander si bénédiction pouvait lui être faite. Encore trop petit pour s'en rendre compte, pour réaliser où il était. C'était le premier enfant que Gypsie emmenait sur l'ile, encouragée par Jazon.

Et toujours la même impression en arrivant, dans le brouillard et dès que le bateau passait les brumes, on était dans un autre monde. Presque l'envie vous prenait de ne plus en repartir, de ne plus retourner là bas, là où trop souvent le monde semblait perdre toute raison.

Un baiser à Gypsie, un autre à son fils. Son deuxième fils. Yvonne avait su trouver les mots, parfois durs, pour le réconforter de la disparition de Côme.

Je t'aime Jazon. Merci de m'avoir emmenée ici aujourd'hui. C'est un grand bonheur.

Tendrement enlacés, amoureux comme au premier jour et bien plus, ils suivirent la sente vers le village.

Quelques semaines plus tard.....

La brume.... Le silence..... un clapotis régulier......puis la brume s'estompa et une forme se dessina peu à peu. Une Ile.... l'ile d'Avalon....

Jazon put voir un sourire se dessiner sur les lèvres de son épouse. Gypsie, comme à chaque fois était heureuse de se rendre en ce lieu béni par la grande déesse.
Le couple avait à parler à Yvonne. Ils devaient lui raconter leur voyage à Eleusis.
Ce n'était pas ce qu'ils avaient imaginé. Des révélations avaient bouleversé beaucoup de choses en eux. Surtout la perception de ce que pouvaient être d'autres croyances autre que l'aristotélitisme.
Ils avaient toujours cru que la religion du Roy, la religion en place était seule intolérante et violente avec son cortège d'inquisiteurs.
Il n'en était rien !
Et sans le savoir, ils étaient passés de peu à côté d'une mort certaine.

Jazon secoua la tête pour effacer ses sombres pensées. Il se tourna et vit l'ile qui, sortant du brouillard semblait les accueillir.

Un coup de rame plus énergique et Jazon rabattit les rames à l'intérieur. La barque vint s'échouer sur la plage.
Il sauta à terre et aida Gypsie à en descendre.
Tendre baiser échangé.
Puis ils partirent en se tenant la main vers le village.

Gypsie toujours heureuse de revenir à Avalon oui, de se sentir en sécurité derrière ces brumes, de respirer Avalon, d'écouter Avalon, d'aimer Avalon.

Durant tout ce moment en barque, près de Jazon, elle ne dit mot. Front strié de rides, tant elle pensait à cette... triste visite à Eleusis. Tant elle s'était réjouie d'y aller, de retrouver Silence et son amie. Si surprise par l'invitation faite par les deux jeunes femmes. Les Duchesne s'étaient entousiasmés, avait préparé le nécessaire, même un cadeau pour elles.

Et... arrivés là bas... Première rencontre avec un homme qu'ils croyaient mort depuis longtemps. Homme qu'ils avaient aidé dans l'autre monde... et qui...

Frisson dans le dos, peur, incompréhension. Gypsie ne comprenait toujours pas tout cela. Et surtout, pourquoi tout cela. Maudites religions, maudites croyances, toutes maudites, toutes ! Tant qu'elles n'étaient pas acceptées par tous.

Jazon rame, on entend doux cliquetis de l'eau qui goutte des rames. Et Gypsie regarde son amour. Lui aussi, encore plus qu'elle, n'a pas compris pourquoi tout cela. Dans la nuit, l'unique nuit passée à Eleusis, ils se sont enlacés, se sont embrassés, et on surtout parlé, pour découvrir une fois de plus, même sentiments et sensations partagés. Vécus de la même manière, et là, à Eleusis, très négative. Revoit Jazon porter la main à son épée si souvent là bas... mais quel monde était ce, Eleusis. Bati sur... Bati par... Soupir...

Partis précipitament ou presque, de là bas, Gypsie pense encore aux gardes partout, à cette femme venue à cheval devant leur porte, à ceux qu'ils appellent... Gypsie ne se souvient plus du nom... et chasse ces sombres pensées.

Bientôt elle sera devant Yvonne, pourra lui raconter tout cela, avec Jazon qui l'entraine déjà vers le village. Avant d'y entrer, Gypsie le retient, l'enlace, l'embrasse tendrement.

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