Une jeune femme qui venait d'accoster sur l'île suivit un sentier en direction des lueurs qu'elle avait aperçues sur la plage. Ce sentier menait à un village. Elle y pénétra. Les rues étaient désertes. Pas âme qui vive.
La soirée était avancée et la nuit déjà là mais aucune lumière aux fenêtres.
Où étaient donc les habitants de ce lieu ?
Peut être à l'endroit d'ou venait la lumière ? Rassemblés pour une fête ou quelques évênements du village ?
Parcourant les rues, elle s'arrêta près d'un banc et y posa son sac de voyage. Elle s'assit à côté et écouta le silence. Une chouette hulula qui lui fit penser à Petite, l'amie de Jazon.
Il ne lui avait jamais dit mais elle savait que l'oiseau de la nuit n'était plus.
Elle se rappelait de ce jour dans le parc de Chateauroux où Petite était arrivée porteuse d'un message de Jazon.
Les badauds avaient voulu lui lancer des pierres par peur et superstition. Et Tzench.....
La jeune femme porta la main à son coeur, étreinte de tristesse.
Cet homme qu'elle avait connu si peu mais pour qui elle éprouvait tellement d'amour, il l'avait aidé à protéger la chouette de Jaz.
Il était étranger, venant d'un pays du côté du soleil levant. L'héritier d'un clan, chef d'une puissante armée, il avait été trahi par l'un de ses plus proches amis et laissé pour mort dans un désert.
Il lui avait raconté peu à peu son histoire lors de leurs rencontres quotidiennes dans le parc.
Elle lisait ses émotions comme dans un livre ouvert, son passé aussi. Mais curieusement, elle ne voyait rien de ce qui avait trait à ce qu'il ressentait pour elle.
Elle avait hésité à lui parler de son don de peur qu'il la rejette. Elle voulait être honnête avec lui.
Mais par chance, il avait l'esprit ouvert, ayant lui même des croyances si éloignées de la religion inquisitrice du royaume de France.
Le hululement se fit entendre très près et sortit la jeune femme de ses souvenirs.
Elle fouilla dans la bourse qu'elle portait à la ceinture et en sortit la lettre.
Elle prit soin de respirer lentement et profondément pour endiguer la transe qui venait.
Une chaleur, si familière autrefois, l'envahit. Des images arrivèrent : Jazon debout près d'un mât, deux femmes dont une, si majestueuse et si....
Solvegg frémit en la voyant....
Un groupe de gens, dame Gypsie, deux femmes enlacées..... Une sensation de froid, de solitude, d'obscurité envahit la jeune femme.
Elle suffoqua. L'eau était autour d'elle, en elle.....
Sa tête s'affaissa en avant. La chaleur se dissipa et une immense lassitude l'envahit. Elle s'appuya contre le mur de la maison et se frotta le front.
Quand elle ouvrit les yeux, on entendit un battement d'ailes dans la nuit et un hululement qui s'éloignait.
Tout en rangeant la lettre, elle sut que l'une des deux femmes étaient Silencia, la prêtresse d'Eleusis qu'elle avait sauvé malgré elle d'une tentative désespérée d'en finir avec la vie.
Les images et les sensations étaient si nettes qu'elle savait que ce qu'elle venait de "voir" était très proche ou venait juste de se passer.
Sentant ses forces revenir, la femme se leva et reprit son sac.
Elle continua en direction des lueurs et sortit du village. Le chemin allait vers un bois.
Son coeur bondissait à chaque pas de joie. Elle savait qu'elle allait les revoir, qu'elle allait "le" revoir.