Chambre de Caer et d'Aengus

Deux hommes chargés de victuailles arrivèrent à la maison des hôtes. Ils étaient passés par la taverne du village, la faim les tenaillant.
L'un deux poussa la porte d'une des chambres et y pénétra.

La pièce était vaste et les premiers rayons de l'astre solaire y pénétrèrent.
Un lit, une table, deux chaises, deux fauteuils, une armoire et un paravent en composaient le mobilier.
Sur la table, broc et bassine en céramique.
Pour parfaire le tout, un feu crépitait dans la cheminée et donnait une ambiance chaleureuse et réconfortante.
C'était simple mais l'essentiel y était dans un endroit où la simplicité et le naturel régnaient en maître.

"Te voici chez toi Aengus !"
L'homme posa un panier et une bouteille sur la table. Il enleva sa cape et la posa sur la chaise.
En revenant de la clairière, les deux hommes avaient discutés. Enfin, Aengus surtout, ne cessant de parler de sa compagne Caer.
Jazon l'avait écouté, ne pouvant que comprendre et partager ce qu'il éprouvait pour cette femme.
Il ne savait pas pourquoi mais il appréciait cet homme. Pourtant il ne savait rien de lui. Mais ils s'étaient déjà trouvés des points communs : L'attirance pour Avalon, une certaine méfiance de la religion dite officielle, tout en restant ouvert et tolérant.
Rien que ça pour Jazon ne pouvait que les rapprocher.
Et le tutoiement spontanée chez Jazon était un signe.

"Si nous buvions à votre future union ?"
La bouteille fut vite ouverte et Jazon remplit deux verres.
Il en tendit un à Aengus.

Jazon se montrait un guide prévenant et courtois. Malgré la rudesse de ma vie passée, j'appréciais ce qualités chez un homme... Cela me changeait des rustres et autres malfrats croisés tout au long de mes voyages.
Combien de fois avais-je dû sortir ma bâtarde de son fourreau pour rester en vie ?... Vingt ans de route depuis mon Irlande natale... route parsemée de sang et de larmes...
Je secouai la tête car, je n'avais aujourd'hui qu'une idée en tête : CAER !... Merveilleuse douceur blonde... avec une tendresse infinie dans le regard et des yeux de braise lorsque, aux prémisses de l'amour, nous nous jetions des regards enflammés, prometteurs... Ma douce amante, complice... qui allait bientôt devenir ma femme devant la Déesse... et qu'importaient les Hommes et leurs dogmes abscons !

Nous cheminions, Jazon me guidant, vers la maison d'Hôtes les bras chargés de victuailles appétissantes... L'amour n'exclut point ripailles.

J'espérais ne pas trop ennuyer mon compagnon... je n'avais que Caer aux lèvres... mais aux sourires qu'il me lançait parfois, je sus qu'il comprenait mes sentiments pour ma compagne.

Une fois dans la chambre qu'il avait eu la courtoisie de nous réserver, je ressentis un grand bien-être. Cette pièce respirait la fraîcheur, la sérénité... Quel endroit charmant pour une nuit de noce.. j'en fus retourné aux larmes... que je dissimulai bien vite avec un toussotement géné.
Je regardai mon nouvel ami avec bienveillance. Cet homme me plaisait... il avait un regard franc et l'on devinait en lui un homme d'honneur.
Rapidement, je jetai ma besace dans un coin et posai mon propre panier sur la table à côté de celui de Jazon.
Déjà, ce dernier avait débouché une bouteille... je souris doucement...

- Voilà un bon début, pensai-je.

- "Si nous buvions à votre future union ?" dit-il.

Mon sourire s'élargit encore et j'acceptai son verre avec une joie non dissimulée :

- Avec grand plaisir Jazon... c'est pour nous un grand jour... tellement attendu... si tu savais !...

Je levai donc mon verre et le cognai doucement au sien en lançant :

- Slainthe !

- Avec grand plaisir Jazon... c'est pour nous un grand jour... tellement attendu... si tu savais !...

Oh oui qu'il savait !
Les souvenirs d'il y a un an ressurgissait, pas si enfoui que ça en fait.
C'était hier !

Aengus leva son verre et trinqua avec Jazon.
- Slainthe !

Mot inconnu mais pas si loin de "santé".
Regard pourtant interrogatif qui trouva réponse dans celui de l'homme.
"Santé ? Alors santé à toi et à ta future épouse !"

Jazon but avec bonheur ce petit vin d'on ne sait où.
Etait ce le lieu, le moment, la bonne compagnie d'Aengus ? En tout cas, il y avait belle lurette qu'il n'avait pas passé un aussi bon moment amicale.
Soudain, il pensa à ses compagnons du Clan. Leur présence lui manquait, sans compter ceux qui étaient mort.....
Dans cette chambre, il retrouvait comme des effluves, des sensations connues de ces moments d'amitiés passé avec eux.

Ils prirent place autour de la table et attaquèrent les victuailles comme s'ils prenaient d'assaut une forteresse.
Jazon adorait ripailler. Pour lui, c'était un des moments de plaisir que la vie pouvait lui apporter. Et encore plus quand il le partageait avec des gens qu'il estimait ou ses amis.

- "Santé ? Alors santé à toi et à ta future épouse !"

- Oui, Santé... en gaélique irlandais... Je bois à toi et ta famille Jazon !

Un instant de silence... nous étions perdu dans nos pensées... Comme il est étrange que les rencontres nous replongent parfois dans des images du passé que, sans doute, nous préférerions oublier... ou en tous cas éviter de raviver de vieilles douleurs...
Mais ce soir ces images me rappelaient les moments de bonheur passé avec les miens à Cork...

Nous restâmes un moment ainsi à siroter notre vin... puis, d'un commun accord, sans concertation préalable, nous nous assîmes et attaquâmes énergiquement en riant.

- Boudiou...m'exclamai-je, J'avais presque oublié que ne n'avais rien avalé depuis ce matin !

Notre faim apaisée, nous finissions tranquillement la bouteille il régnait un calme apaisant et, malgré les fenêtres ouvertes les bruits de l'île nous arrivaient comme étouffés.
Je farfouillai un instant dans ma besace et en tirai ma vieille pipe au fourneau sculpté en tête de cheval - que de souvenirs aussi - et la bourrai calmement avec précision en des gestes sûrs qui dénotaient évidemment une longue habitude... je battis mon briquet d'amadou et enflammai les herbes odorantes... j'en tirai quelques bouffées voluptueusement en soupirant d'aise.
Mon nouvel ami m'intriguait un peu ... sa prestance et sa mise laissaient supposer un rang élevé.. et, bien qu'en Avalon ce genre de considération n'avait aucun sens, je me demandais ce qui poussait un homme comme lui à venir trouver refuge ici.

- Jazon...Nous avons tous des raisons de prendre la direction que nous prenons... Comme tu vois.. nous, c'est un mariage... un luxe que nous ne pouvons nous offrir .. là-bas... mais toi ?...

J'espérais ne pas avoir été indiscret.. mais il me semblait que Jazon et moi n'allions pas en rester à cette première rencontre...

Repas terminé, Aengus se mit à fumer. L'odeur des volutes de fumée se propagea dans la chambre.
Instants de quiétude.
Puis Aengus demanda :
- Jazon...Nous avons tous des raisons de prendre la direction que nous prenons... Comme tu vois.. nous, c'est un mariage... un luxe que nous ne pouvons nous offrir .. là-bas... mais toi ?...

Moi ?
Jazon terminait de nettoyer la dague, seule arme qu'il s'autorisait à apporter sur l'ile, lui servant uniquement pour attraper les aliments ou les couper.
Je suis ici aujourd'hui pour faire bénir mon fils par dame Yvonne et le mettre sous la protection de la grande déesse.
Mais......

Il leva la lame l'examinant dans un rayon de soleil qui traversait la pièce.
....Tout comme toi, il y a presque un an, je suis venu à Avalon pour m'unir à mon épouse.
C'est elle qui m'a fait découvrir l'île. Je connaissais déjà Gypsie depuis un moment mais je venais de perdre mon premier fils. J'étais révolté contre la terre entière et surtout contre les dieux, les divinités, ne comprenant pas qu'un enfant innocent soit enlevé aux siens.
Et Yvonne m'a ouvert les yeux..... rudement, je dois dire.....
Jazon sourit à ce souvenir.

Mais j'ai cheminé par la suite pour finir par accepter même si........
Les émotions remontaient.
...... la blessure est toujours présente.
Il posa sa main sur sa poitrine.

L'instant d'après, il remettait sa dague dans son fourreau sur son côté.
Mais ne parlons plus de cela. Aujourd'hui est jour de fête pour pleins de raisons... de nouvelles novices, votre mariage, le baptême de Gandelin !

Je vais te laisser te reposer maintenant. Moi même, fermer les yeux une heure ou deux me fera pas de mal.
Je vais rejoindre mon épouse et mon fils.

Jazon se leva et commença à ramasser les reliefs du repas. Il restait encore de bonnes choses qu'il proposerait à Gypsie à son réveil.

Si tu le permets, je passerais te chercher quand l'heure sera venue.

Il allait sortir de la pièce et se retourna.
Mais au fait..... As tu pensé aux alliances, Aengus ?

Tout en mastiquant, j'écoutais Jazon, hochant la tête de temps à autre pour marquer mon attention et mon approbation. Nous avons tous notre part de malheurs en ce bas monde et je ne m'attendais pas à être le seul dans ce cas.
Les épreuves que Jazon avait endurées nous rapprochaient encore.
Je rangeai enfin ma propre dague dans ma botte à mon habitude après l'avoir également essuyée consciencieusement. Moi aussi, j'avais laissé ma bâtarde chez moi.
Nous vidâmes la bouteille, puis mon ami se leva pour prendre congé et rassembla les victuailles pour les emporter... il en restait bien assez.

- Je vais te laisser te reposer maintenant. Moi même, fermer les yeux une heure ou deux me fera pas de mal.
Je vais rejoindre mon épouse et mon fils.
Si tu le permets, je passerais te chercher quand l'heure sera venue.

Je souris à Jazon, sa sollicitude me touchait profondément. Et d'un signe de tête j'aquiescai. J'allais ouvrir la bouche pour le remercier lorsque ... :

- Mais au fait..... As tu pensé aux alliances, Aengus ?

Bon sang... les alliances !... Je regardai mon ami avec des yeux de chien battu... Comment avais-je pu oublier cela !

- Eh, bien.. c'est à dire... Non. J'avais tant de choses en tête... Bon sang... je me mettrais des claques !...

Puis, me ravisant :

- Mais, j'y pense, dans ma besace, j'ai toujours les anneaux que ma mère me donna il y a bien des années... Ce sont des anneaux d'or garnis de symboles de la Déesse Birgit... je ne pensais jamais m'en servir. J'espère que cela pourra faire office d'alliances. De plus, j'ai gardé un bijou familial, un torque en or massif que je réservais pour mon mariage avec Caer... il y a un an...

J'espérais avoir été concaincant, mais je me sentais bien penaud et maladroit... Tellement preséé d'unir ma destinée à celle de mon aimée que ce "détail" m'avait totalement échappé.

On frappa à la porte ....

Je sursautai en entendant frapper et regardai Jazon, interrogatif, puis d'une voix un peu émue :

- Entrez !...

La Grande Prêtresse entra dans la pièce, adressa un sourire aux deux hommes et dit:

Je vois que notre ami Jazon a bien pris soin de vous et que vous avez profité du temps pour vous restaurer.

Mais je me dois de vous interrompre et de vous poser quelques questions avant la cérémonie.

L'arrivée de Dame Yvonne me troublait à plus d'un titre. D'abord ce charisme, cette façon qu'elle avait de vous regarder avec bienveillance et acuité... je me disais que l'on ne pouvait cacher grand'chose de sa vraie nature à cette femme admirable.
Mais aussi, sa présence m'annonçait que les événements se précipitaient me rapprochant de plus en plus de notre mariage...

C'est donc le coeur battant que je lui répondis en avançant un siège :

- Entrez, Dame Yvonne... asseyez-vous donc... Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

YvonneTroll salua d'un signe de la tête Jazon qui quitta la pièce et se tourna à nouveau vers Aengus:

Sachez d'abord qu'ici à Avalon on ne vous jugera pas comme les royaumes jugent les personnes. N'empêche que nous aussi, nous sommes soumis à certaines règles. J'ai cru comprendre que vous êtes à Avalon car de l'autre côté des brumes, votre mariage serait impossible. Pourquoi ?

Je redoutais cette question, mais, en même temps, je ne pouvais mentir... Cependant, les circonstances étaient particulières... je m'en ouvris donc à la Grande Prétresse :

- Voyez-vous Madame, Caer et moi nous nous connaissons depuis plus d'un an. Nous étions venus ici sous nos noms véritables afin de procéder à notre union.
Entretemps, fidèle à une parole donnée, je suis parti en Touraine délivrer des amis prisonniers là-bas. Làs... j'ai succombé à mes blessures et je n'en ai échappé de justesse que grâce qux bons soins de Soeurs d'un couvent proche. Mais je suis resté éloigné de mes proches de longs mois durant.
Sans nouvelles l'un de l'autre, Caer et moi avons, tant bien que mal refait notre vie sans savoir que nous étions toujours en vie.
Puis, rentré chez moi, en Limousin, je rencontrai une Dame de mes connaissances, veuve et solitaire et, par l'effet de la compassion et de nos solitudes mutuelles avons décidé de nous marier... Par dépit ?... par besoin de combattre la solitude ?... par tendresse, voire par Amour ?... je ne sais trop.
Je dus me faire baptiser, je fus annobli par une Dame de Qualité que vous devez connaître et j'ai aujourd'hui accès à des fonctions importantes en Limousin.
Mais un jour... Caer est revenue... elle ne savait plus rien de moi, me croyait mort...
Quelle ne fut notre stupéfaction en nous retrouvant ainsi face à face ! En une seconde, tous nos souvenirs nous éclataient au visage... plus présents que jamais... Nous sûmes alors que notre amour n'était pas mort, mais seulement enfoui au fond de nos âmes. Il se réveilla brusquement et je n'eus rien de plus pressé que de le prouver à ma bien-aimée que je croyais à jamais perdue.
Nous avons donc choisi de vivre cet amour en secret, sachant bien que nous allions à l'encontre de la bienséance et de la moralité... Mais cet amour est si puissant que nous ne pouvions le jeter aux orties.
Et puisque nous ne pouvions nous unir devant les Homme et la Religion des Royaumes nous avons choisi d'en offrir le témoignage sincère à la Déesse en qui nous croyons encore et toujours... mes origines Celtes - je suis Irlandais - me gardent ancré dans la vieille Religion, même si je ne la pratique plus.
Je dois ajouter que nous envisageons Caer et moi, de nous installer ici pour vivre notre amour et que, d'autre part, nous allons quitter le Limousin, afin de trouver une endroit propice afin d'y consacrer nos jours, l'un à l'autre.
Je ... nous nous en remettons à vous et à la Déesse Madame... avec le coeur gonflé d'amour et d'espoir et des intentions pures... malgré les apparences.

Je me tus et regardai Dame Yvonne dans les yeux... Je ne cherchais pas à me justifier, mais à expliquer ce qui nous amenait ici, le coeur battant d'un espoir sans nom.

Cette veuve dont vous parlez, vous vous êtes marié avec elle ?

Ne pas mentir... ne pas chercher à justifier... vivre mon amour pour Caer jusque dans l'angoisse... jusqu'au bout... malgré tout... après tout... nos coeurs savaient, eux...

Je soutins le regard de Dame Yvonne et sans hésitai j'articulai :

- Oui Madame.

Cette union a été consommée, la dame est toujours en vie ?

- Oui Madame... l'union a été ... consommée... et la Dame est toujours en vie... sinon, nous aurions pu nous marier, Caer et moi au grand jour, même ici, mais sous nos vrais noms...
Oui... ce que nous demandons est un mariage secret... une manière pour nous de concrétiser notre amour...
La preuve de notre sincérité, vous la trouverez lorsque je vous dévoilerai mon nom... Je suis venu ici, il y a un an... avec pour seul but d'épouser Caer devant la Déesse.

Je regrette que vous n'êtes pas venu par vous-même me parler de votre situation: Écoutez-moi attentivement !

Si l'église ne reconnaît pas les union célébrées devant la Déesse, nous, de notre côté, nous accordons une grande importance aux engagements pris. Tant que vous êtes liés à cette dame, c'est elle votre épouse et je ne peux pas vous unir devant la Déesse ! Un homme - ou une femme - n'a qu'une seule parole; la fidelité entre époux est aussi une valeur à Avalon.
Mais contrairement à l'église, nous reconnaissons aussi que la vie change parfois les cœurs et les sentiments. Vous avez deux possibilités: ou votre épouse comprend et accepte votre désir d'une séparation et vous libère de vos obligations face à elle ou vous devez prouver et jurer devant la Déesse que vous ne la laissez pas dans le besoin, que vous avez demandé la rupture à trois fois et qu'elle vous a été refusée par trois fois et qu'entre chaque demande trois lunes se sont écoulées !

Dans tous les cas, je peux aujourd'hui entendre et accepter vos promesses, mais je ne peux pas célébrer votre union dans l'immédiat ! Je suis sincèrement désolée, mais il est ainsi !

Devant le silence de l'homme en face d'elle, elle ajouta:

Comprenez bien que je ne vous refuse pas le mariage, mais que je vous offre une solution à votre situation.
Bien entendu, vous avez le choix, vous pouvez quitter l'île avec Caer, lui offrir une vie de clandestinité et de fuite en avant; vos enfants - si vous souhaitez en avoir - viendront au monde sans nom, sans famille, sans passé et sans avenir ! Ou alors, vous suivez mes conseils et je ferai tout ce qui est dans mon pouvoir pour abréger vos fiançailles et vous unir dans l'honneur et la lumière au plus vite.

- Ma foi, Madame, j'aurais pu vous mentir... j'aurais pu ne rien dire... Je ne l'ai pas fait parceque nos intentions sont pures et, malgré les apparences, honnêtes... Nous voulions juste reprendre que le sort nous avait arraché contre notre gré.
Ma parole dans ce cas, n'entre pas en ligne de compte, même si, devant Aristote, j'ai prêté serment. Le coeur a ses raisons que la raison ignore... et le mien était pris par Caer.

Je soupirai effondré...

- Sans doute eût-il mieux valu que je perdes la vie en Touraine... j'aurais évité de faire souffrir deux êtres innocents...

Je relevai les yeux tristement :

- Je m'incline, Madame, devant votre décision et je la comprends... Nous avons été fous de penser que notre amour pourrait nous ouvrir toutes les portes...
Je peux cependant vous promettre de revenir vous trouver lorsque les choses seront arrangées quant à mon mariage officiel.
Quant à fuir ?... Je ne sais... je ne sais plus où j'en suis... Je ne sais qu'une chose... j'aime Caer et elle m'aime... le reste...

Le coeur serré, je pensais à ma bien-aimée lorsqu'elle apprendrait la nouvelle...
Aurions-nous encore la force de lutter devant l'injustice de la vie ?... Aurions-nous le courage de continuer à vivre dans ce monde stupide et incohérent ?... N'était-il pas plus simple de se laisser couler dans les bras glacés de la Mort et d'y emporter, intact, notre passion ?... Je ne savais plus... je n'étais plus rien... anéanti et désespéré.
Mais je n'osai l'exprimer à Yvonne... Je comptais repartir au plus tôt et emmener Caer et nos désillusions...
Car nous n'avions plus qu'à espérer que mon épouse officielle accepterais de me libérer... ou fuir... mourir... ne plus être...

Certes, vous auriez pu mentir, essayer de tromper les humains, mais est-ce que vous aurez pu mentir à la Déesse ? Je ne doute pas de vos sentiments et de la force de votre amour !
Si vous quittez l'île maintenant, si vous abandonnez l'idée d'un mariage béni par Elle, c'est que vous êtes ingrat envers notre Grande Mère: Elle vous a offert la vie quand vous êtiez mourant, Elle vous a ramené à la femme que vous aimez, et à travers moi, Elle vous propose une solution: Je vais vous aider à obtenir la séparation de votre épouse, ainsi libéré, vous pourrez enfin offrir à Caer ce qu'elle mérite: votre amour, votre nom et votre honneur !

Je relevai la tête à nouveau :

- Quitter l'Île ?... oui... j'y ai pensé... croyant avoir perdu le seul refuge, le seul endroit où nous pouvions nous aimer au grand jour... allez bras dessus bras dessous dans les rues du village... Abandonner l'idée d'unir nos vies ?... non.. jamais... Quant à mentir à la Déesse... cette pensée ne m'a jamais effleuré l'esprit.
Si, comme vous le laissez entendre, nous pouvons rester parmi nous, c'était notre plus cher souhait... Nous voulions abriter notre amour dans une maison en Avalon... loin des tumultes des Royaumes...
Nous vivons clandestinement notre amour, avec tout ce que cela suppose de mystères, cachotteries et compromissions... Et nous en souffrons...
La souffrance ?... je ne connais que trop bien... mais, ma douce Caer... je veux la protéger... elle a eu sa part, cela suffit !

Un silence, puis :

Je voudrais vous demander une dernière faveur... : Parlez-lui... aidez-la à surmonter cette épreuve, cette attente... Et, permettez-nous, si nous ne pouvons nous marier encore, permettez au moins que nous puissions vivre ici en attendant cette union...
Je m'en vais retourner là-bas... et tenter de régler la situation. Caer la connait, elle comprend, mais elle souffre... et la voir ainsi est aussi une souffrance pour moi.

Avalon n'a jamais rejeté quelqu'un dont le seul crime c'est d'aimer ! Vous pouvez rester, choisir une maison au village, vivre votre amour sans vous cacher ! Je ne suis pas curé, je ne viendrai pas vous espionner dans votre lit, si c'est ce que vous craignez. Bien entendu, je me permettrai de vous rappeler vos devoirs envers votre épouse tant que votre union ne sera rompue - je vous rappelle que la fidelité entre époux a une grande valeur pour nous aussi - et je ne pourrai pas bénir votre union, mais vous pouvez prononcer publiquement vos promesses, vous fiancer.
En ce qui concerne Caer, je lui expliquerai la situation, mais vous devez faire autant ! Venez dans la cour de l'école des novices tout à l'heure et nous lui parlerons tous les deux !
Un dernier mot: J'ai une certaine expérience de l'humain; si vous voulez, parlez-moi un peu de la dame que vous avez épousé et je peux peut-être vous être de bon conseil pour la convainvre de vous libérer. Quel est son nom ?

Gandelin babillait dans les bras de son père. Il était bien reposé et ne tenait pas en place dans la chambre.

Gypsie et Jazon riaient de le voir s'exclamer et tenir des discours bien à lui alors qu'ils traversaient la maison d'hôtes en direction de la chambre d'Aengus.

Ils se félicitaient du futur mariage qui allait avoir lieu ce jour-là se rappelant qu'il y avait presque un an, ils avaient ici même unis leur destin.
Leurs regards brillaient, remplis d'amour l'un pour l'autre.

Jazon avait bien du mal à maintenir son fils dans ses bras. Ils arrivèrent devant la chambre du futur marié et Jazon frappa à la porte.

Entrez !

Elle imaginait facilement l'état de joie et de bonheur dans lequel se trouvaient Aengus et Caer, presqu'elle le revivait avec eux. Si loin déjà et si proche pourtant le jour où ils s'étaient dit oui pour la vie, Jazon et Gypsie.

Et maintenant Gandelin venu combler leur bonheur, le rendre entier. Quelle joie la naissance de ce fils, qu'elle joie pour Gypsie de faire ce cadeau à son époux. Elle n'y croyait plus, et pourtant... Elle lui avait donné un fils.

Souriante, bavardant comme elle pouvait avec son fils, accordant la plus grande attention à ses paroles de la plus haute importance, elle entra dans la chambre, sur l'invitation d'Yvonne, en précédant Jazon qui galament tenait la porte.

Surprise par l'ambiance qui pesait sur la pièce. Yvonne affichait un air grave et la mine déconfite d'Aengus n'augurait rien de bon. Il aurait pourtant dû sourire, voire rire à l'approche de cet instant majeur de sa vie.
Que se passait-il ? Un empêchement pour le mariage ? Quelle que chose s'y opposait ? Avait-il changé d'avis ? Où la mariée ?

Regard inquiet et plein de questions adressé à Yvonne puis Jazon...

Bonjour ou rebonjour Yvonne ! Bonjour Aengus ! Ravie de faire plus ample connaissance avec vous. Jazon m'a beaucoup parlé de vous !

Juste un qui n'avait que faire de tout cela, Gandelin qui faisait sa petite inspection de la chambre, suivi de près par sa mère.

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